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"Trucs de chômeur"

Pendant la maladie, mon corps, que j'écoute dorénavant et que je respecte, m'impose un nouveau rythme et une nouvelle philosophie de vie. Lors d'un travail en groupe d'accompagnement, ma voisine me voyant noter ces idées, m'a fait la réflexion suivante:  "c'est des trucs de chômeurs". J'ai adoré ! Quels sont ces "trucs" ? 

Tout d'abord faire une chose à la fois. Il est inconcevable, pour moi, d'envoyer un SMS tout en conduisant (même si c'est plus que fréquent). C'est jouer avec sa vie. De plus, mon corps ne peut plus (ou ne veut plus) exécuter deux tâches à la fois. Je reste concentrer sur une seule action, me permettant d'être en conscience avec ce que je fais

 

Ensuite prendre le temps de faire. Rien n'est urgent dans nos métiers ! Mais on nous le fait croire. Bâcler son travail n'apporte pas de satisfaction et nous berce d'une illusion d'efficacité. On peut rajouter le fruit de notre imagination (et de notre éducation) qui se trouve envahie par la peur qu'une foudre institutionnelle nous tombe sur la tête si la tâche n'est pas accomplie dans le temps imparti. 

Derrière cette idée de temps à s'accorder, il y a la notion de soin. En effet, faire avec soin est d'un grand bien-êtreEtre heureux de produire un travail soigné et abouti donne un grand sentiment de compétence.  

Cela implique également de faire les choses jusqu'au bout. On ne commence pas une tâche sans savoir si on n'a pas le temps de la finir ou les moyens d'y parvenir. Ainsi, il n'est pas nécessaire de lancer plusieurs projets ou de traiter différentes questions en même temps si l'on sait à l'avance que cette démarche n'aboutira pas.

 

Mais parfois se noyer dans différentes tâches permet aussi de ne pas regarder cette réalité et de croire que tout va bien. La spirale devient infernale : plus on en fait, moins on réfléchit à ses propres limites et plus on se croit capable de tout mener de front pour masquer une incompétence qui se crée par la force des choses. On ne sait pas tout faire. Il nous faut savoir mesurer ses forces et évaluer ce dont on est capable de faire même s'il n'est pas facile de se l'avouer et encore moins aux autres dans ce monde de compétition et de vitesse. 

Il est intéressant de voir la réaction de ma voisine face à mes nouveaux principes de vie, les qualifiant de "trucs de chômeurs", qui ne sont donc pas dans l'air du temps. Il faut donc agir vite, en faisant plusieurs choses à la fois, syndrome de l'homme et de la femme moderne.

Dans mon métier de directeur d'école, j'étais "touche à tout". J'effectuais différentes tâches, rapidement, superficiellement et sans aboutir parfois. J'étais multi-fonction avec la sensation parfois d'une certaine incompétence et par conséquent d'un sentiment de culpabilité.

 

Au bout du compte qu'est-ce que je sais faire ? Pas le temps de me spécialiser dans aucune discipline par faute de temps : pédagogie, management, comptabilité, droit du travail ... Et bien sûr pas le temps de réfléchir à ce que je faisais. Bien au contraire, je me considérais tel un héros car en peu de temps, j'exécutais toutes les missions que l'on m'avait confiées. J'étais fier en pensant que l'institution le serait également de moi. Mais je me berçais d'illusion car quelle reconnaissance en définitive ?

 

J'étais un bon exécutant. J'étais bien "élevé", je veux dire bien formaté pour obéir et répondre aux besoins du système. Qu'en est-il de mes propres besoins et des mes envies ? C'est une autre histoire ... 

Horloge astronomique
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